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Titre | Le Portrait du Roy |
Auteurs | Félibien, André |
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Date de publication originale | 1663 |
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, p. 5-6
Ce fameux sculpteur qui se presenta autrefois à Alexandre, et s’offrit de tailler une montagne tout entiere pour en former sa statue, ne fit pas grande impression sur l’esprit de ce prince par une proportion si hardie. Il jugea bien que la pensée et l’execution d’une si penible entreprise estoit plus avantageuse à Dinocrate, qu’elle n’eust esté glorieuse au fils de Philippe. Une masse si rude et si énorme n’eust pas bien representé le visage de ce grand Roy, et un colosse si grand et si élevé n’eust rien donné à connoistre ny de la forme de son corps, ny des qualitez de son ame. Il se contenta de recompenser par ses bienfaits la science et le zele de l’ouvrier. Et comme il vouloit estre connu de toute la terre, il prenoit bien plus de plaisir, quand Apelles travailloit à son portrait, et rendoit cette image si semblable à l’original, qu’elle paroissoit estre un autre Alexandre. Car dans le tableau qu’il fit où il representa ce prince tenant un foudre à la main, il le peignit dans une action si terrible et si hardie, que mesme aprés la mort d’Alexandre, sa peinture donnoit encore de l’effroi à ceux qui la voyaient, et faisoit trembler de peur ceux qui l’avoient craint pendant sa vie.
Quoiy que ces anciens ouvriers ayent eu des pensées dignes d’estre suivies, toutefois la peinture que l’on a faite de V.M. n’est point formée sur les idées de ces grands maistres de l’Antiquité. Il a fallu d’autres couleurs et d’autres pinceaux pour la bien representer. Ce que les montagnes ont de plus solide et de plus élevé, et ce que la foudre a de plus éclatant et de plus terrible, n’exprimoit pas assez ni la grandeur et la fermeté de vostre ame, ni les lumieres et l’activité de vostre esprit.
Dans :Apelle, Alexandre au foudre(Lien)
, p. 20
Mais j’avoüe qu’ayant toûjours les yeux sur cette image, j’ay peine à les en oster, pour examiner avec plus de soin toutes ces autres parties du tableau, et je trouve tant de ressemblance dans ce portrait, que si les ouvrages d’Appelles ont donné occasion de dire autrefois qu’il y avoit deux Alexandres ; que le fils de Philippes estoit l’Invincible, et celuy d’Apelles l’Inimitable ; il y a lieu de dire aujourd’huy avec plus de verité, qu’en vostre personne et en vostre portrait nous avons deux Rois qui tous deux n’auront jamais rien de comparable. [[4 : suite Zeuxis Helène]]
Dans :Apelle et Alexandre(Lien)
, p. 4
Je sçay qu’il n’estoit permis qu’à Lysippe et à Appelles de travailler au Portrait d’Alexandre ; mais il n’estoit pas défendu à tous les Grecs d’examiner les ouvrages de ces deux excellens hommes ; d’en conserver l’Idée, et de faire sur leurs originaux des copies qui fussent comme autant de glorieux monumens consacrez à la memoire de ce grand Prince.
Dans :Apelle et Alexandre(Lien)
, p. 16-17
L’on a toutefois loüé Phidias pour avoir fait une image de Iupiter, où il avoit admirablement exprimé la majesté de ce Dieu, et l’on trouvoit son ouvrage d’autant plus merveilleux, que n’ayant jamais veu cette divinité, il en avoit conceu une idée si haute, qu’il l’avoit parfaitement representé comme le maistre des Dieux. Mais quoy que cet admirable sculpteur meritast une estime toute particuliere, il luy estoit d’autant plus facile de donner de la grace et de la grandeur à ses figures, qu’il representoit des Dieux qu’on n’avoit point veus, et qui n’avoient que ce qu’ils recevoient des mains des plus illustres artisans.
Il n’en n’est pas icy de mesme, car quoy que le peintre soit riche et abondant en belles imaginations, il a neanmoins un sujet qu’il est obligé d’imiter, mais un sujet si excellent qu’il n’y a point d’ornemens qui le puissent enrichir, ny de traits qui le puissent dignement exprimer.
Dans :Phidias, Zeus et Athéna(Lien)
, p. 19
Je pourrois encore monstrer avec quelle grandeur, et quelle noblesse il represente ce cheval, dont l’action extraordinaire et difficile paroist neanmoins si vraye, et fait voir si parfaitement un cheval vigoureux, qu’on diroit qu’il s’emporte, et qu’il resiste au mords et à la main qui le retient. Combien de beautez et d’expressions differentes ne peut-on point remarquer dans toutes les parties qui composent ce noble animal ; soit dans ses jambes ; soit dans son estomac qui paroist enflé de l’effort qu’il fait ; soit dans ses yeux pleins de feu ; soit dans ses nazeaux ouverts, et d’où il semble qu’on voye sortir le souffle ; soit dans sa bouche qui jette une écume, mais une écume où la fortune et le hazard n’ont point eu de part, comme autrefois dans ce tableau que fit Protogene, et dont l’antiquité a tant fait de bruit, mais où la science et l’artifice du peintre ont representé ce qu’il y a de plus semblable et de plus vray dans l’action d’un cheval jeune et plein de vigueur qui se voit à la teste d’une armée, et qui se sent animé par la main qui le conduit.
Dans :Protogène, L’Ialysos (la bave du chien faite par hasard)(Lien)
, p. 21
Ce ne fut pas un petit avantage au peintre Zeuxis, de rencontrer dans la Grece tant de belles filles pour former sur toutes leurs differentes beautez cette figure si celebre, dont il fit le parfait modèle de la Beauté. Mais combien est-ce un plus grand bonheur à cet excellent peintre d’aujourd’huy, de trouver dans la seule personne de Votre Majesté dequoy faire la peinture d’un Roy qui sera à l’avenir le modèle de tous les autres Rois ?
Dans :Zeuxis, Hélène et les cinq vierges de Crotone(Lien)